INTRODUCTION

Avec 225 deals par an en moyenne, la période 2016-2021 a été une sorte d'âge d'or pour les fonds de Private Equity en France. Cela a correspondu à une croissance de près de 40% comparé à la période 2010-2015. Un record.

En dépit de deux années de défis liés au Covid et un bouleversement géo-politico-diplomatique majeur, l'année 2022 a tenu bon, modulo un léger fléchissement en fin d'année. Pour la suite, on serait plutôt tenté de conjecturer que 2023 pourra être marquée par un ralentissement du nombre de transactions.

Tensions géopolitiques, inflation, hausse des prix des matières premières, disruption des chaînes d'approvisionnement, difficultés de financement plus marquées : ces conditions défavorables, qui pouvaient apparaître comme de simples secousses, ne relèvent aujourd'hui plus d'un scénario hollywoodien de business-fiction, mais bien de la réalité des premiers mois de 2023. L'objet ici n'est pas tant de noircir le tableau que de prendre conscience d'une situation concrète pour en tirer les meilleures conséquences.

Bien entendu, de nombreuses entreprises sous LBO peuvent compter sur des fondamentaux solides, des équipes de management expérimentées – quoique généralement un peu plus coutumières des périodes de croissance que de celles de challenges accrus – et des actionnaires solides. Aucune, en revanche, ne pourra compter sur un totem d'immunité. Pour certaines, le couple croissance-rentabilité traversera quelques zones de turbulence dans les mois à venir.

Faut-il voir ici la fin d'un cycle de croissance ou d'un âge d'or ? Nul ne peut l'affirmer. Ce qu'il est possible de faire, en revanche, c'est constater. Constater, par exemple, que l'époque des financements abondants, qui ont permis d'alimenter nombre de LBOs, tend à être révolue. Les guichets ne sont pas fermés ; simplement, les guichetiers sont un peu plus prudents. Les leviers diminuent, les covenants sont plus serrés, les simulations et autres tests de sensibilité à des scénarios plus pessimistes, scrupuleusement étudiés.

Les investisseurs font preuve de prudence à mesure que les multiples de valorisation s'ajustent entre vendeurs et acheteurs potentiels. Ils imposent des due diligences poussées, aux calendriers plus maitrisés, avant d'effectuer une nouvelle acquisition. Les critères deviennent plus stricts.

Dans un tel contexte, comment continuer à générer des rendements supérieurs au marché ? Un deal LBO ne se résume plus à conjuguer "buy low, sell high" avec des conditions de financement favorables. Aujourd'hui, plus que jamais, il faut y ajouter une attention accrue sur les leviers d'amélioration de la performance.

A. EVALUATION DES RISQUES : DIAGNOSTIC ET MESURES POUR LIMITER LEURS IMPACTS

Les fonds de Private Equity doivent adopter une approche structurée avec leurs sociétés en portefeuille, pour évaluer l'impact d'un ralentissement économique soutenu sur les performances financières et opérationnelles. Ils doivent surtout rapidement mettre en place des mesures correctives en mesure de répondre efficacement à ces nouveaux enjeux.

Pour cela, il est nécessaire de suivre deux étapes clés :

  1. Evaluer l'impact d'un ralentissement économique avéré : le niveau de résilience du business plan doit être précisément revu et testé face à différents scénarios défavorables. Il est ici indispensable de précisément identifier et quantifier les critères de sous-performance et de vulnérabilité propres à chaque entreprise.
  2. Répondre efficacement aux nouveaux challenges en mettant rapidement en place des mesures correctives : ces mesures doivent être clairement définies et rendues opérationnelles, concrètes, réalisables ; un plan d'action simple et précis, avec un calendrier et des responsables, doit être dressé, afin de mener des actions aussi rapidement que possible : augmentations des prix et mécanismes de pass-through, protection du cash, revue de la structure de coûts sans tabou, etc.

B. DE MULTIPLES RISQUES SUR PLUSIEURS FRONTS : DIAGNOSTIC ET ANTICIPATION

Dans le cadre du diagnostic et de la limitation des risques, les fonds de Private Equity doivent stress-tester leurs sociétés en portefeuille sur différentes dimensions. Nous n'en listerons que quelques-unes ici :

1. Prix des matières premières

Une majorité d'entreprises, quel que soit le secteur, a été exposée à une augmentation spectaculaire des prix des intrants – le marché des matières premières ayant été mis sous pression par le conflit russo-ukrainien en particulier.

En conséquence, les marges ont été réduites et les entreprises tentent de répercuter la hausse des coûts sur leurs clients, notamment dans l'industrie manufacturière et automobile. Les entreprises doivent être capables de répercuter efficacement la hausse des prix, afin de limiter la pression qui s'impose à leurs marges.

Si une répercussion intégrale semble peu réaliste, nous l'avons observé ces derniers mois, les équipes de management doivent être en mesure de négocier des périodes d'engagement plus courtes (de 3 à 6 mois au lieu de 12), pour conserver la possibilité d'augmenter les prix plus rapidement.

2. Coûts de l'énergie

Depuis l'automne dernier, sobriété énergétique et port du col roulé sont de mise. En plus des subventions spécifiques dont les entreprises peuvent bénéficier, cette diminution de la consommation énergétique est porteuse d'économies sur le long terme ou d'investissements utiles : investir dans sa propre centrale hydrogène par exemple et "se verdir" de façon plus générale. Le chemin vers davantage d'indépendance énergétique est clairement un facteur décisif dans la jugulation des risques liés aux difficultés d'approvisionnement.

3. Coûts directs et indirects de la main-d'Suvre

Le Covid a fait émerger une réelle crise de l'embauche dans les pays développés. Cette crise concerne tous les postes, tous les niveaux de qualification. Les secteurs du service, du tourisme et de l'hôtellerie sont particulièrement touchés. A terme, il sera impératif de savoir composer avec cette tension de main-d'Suvre, tout en maintenant la qualité de service client au meilleur niveau.

Dans un certain nombre d'industries, l'automatisation de la production peut constituer une approche intéressante, avec des retours sur investissement sous deux à trois ans. Automatiser certaines activités de back office contribuerait par exemple de réaliser jusqu'à 20% de gains de productivité.

CONCLUSION

Dans un contexte économique et géopolitique incertain, les fonds de Private Equity doivent impérativement être capable d'anticiper plus efficacement les risques. Un diagnostic approfondi et une remise en question quasi-permanente des points d'amélioration de leurs sociétés en portefeuille nous semblent encore plus indispensables qu'à l'accoutumée.

Cela aidera non seulement à affronter les périodes de défis plus "musclés", mais encore à ajuster leurs plans de création de valeur pour tirer parti de nouvelles opportunités et continuer à offrir aux investisseurs des rendements supérieurs. Ce sont à ces rendements, le fameux alpha, que nous reconnaitrons les vainqueurs et les perdants de cette période... bouleversée et bouleversante !

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