Premiers pas dans la régulation de l'influence digitale

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Grant Thornton Société d’Avocats

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La promulgation de la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 (ci-après la « Loi ») constitue un tournant décisif dans le cadre réglementaire du marketing d'influence en France...
France Media, Telecoms, IT, Entertainment
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La promulgation de la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 (ci-après la « Loi ») constitue un tournant décisif dans le cadre réglementaire du marketing d'influence en France, introduisant un ensemble de normes visant à réguler les interactions entre marques, influenceurs, et consommateurs.

Cette Loi, par son caractère innovant, s'attaque aux défis posés par la digitalisation de l'économie et les pratiques commerciales en ligne, en mettant en place un cadre juridique ayant pour objet de garantir une transparence accrue et de protéger les droits des consommateurs.

Au cœur de cette réglementation, la clarification des obligations de transparence de chacune des parties impose de redéfinir les termes contractuels entre les influenceurs et les annonceurs.

L'activité d'influence commerciale définie

La Loi offre une définition de ce qui constitue une activité d'influence commerciale. Elle vise à distinguer les différents acteurs impliqués (influenceurs, agents d'influenceurs, annonceurs, plateformes).

Ainsi, exerce une activité d'influence, toute personne qui, à titre onéreux, mobilise sa notoriété auprès de son audience afin de communiquer au public par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion directement ou indirectement de biens, de services, ou d'une cause quelconque.

En définissant l'activité d'influence, la Loi encadre à présent la multitude des pratiques jusqu'ici opérant dans une « zone grise ». En effet, les règles régissant la promotion des biens et services en ligne n'étaient jusqu'alors peu, voire pas appliquées aux influenceurs.

La présente Loi précise désormais explicitement que toutes les réglementations (européennes ou nationales) concernant la publicité et la promotion en ligne s'appliquent à l'activité d'influence commerciale par voie électronique. Les influenceurs sont donc désormais soumis au même cadre réglementaire que les autres annonceurs.

Les principales dispositions applicables à l'activité d'influence commerciale incluent :

  • Les règles concernant les allégations nutritionnelles et de santé sur les denrées alimentaires,
  • Les réglementations sur la publicité des produits soumis à des contraintes sanitaires,
  • Les articles du code de la santé publique encadrant la publicité pour les boissons alcooliques, le tabac, le vapotage, les médicaments et les dispositifs médicaux,
  • Les dispositions du code de la consommation régulant la publicité de produits illicites et les contrats conclus à distance portant sur des services financiers,
  • Les articles du code monétaire et financier concernant le démarchage bancaire et financier.

Outre, les interdictions générales et sectorielles applicables à la publicité, la Loi établit un régime d'interdictions spécifiques à la promotion par les influenceurs, concernant certains biens et services considérés comme risqués pour les consommateurs.

Parmi ces interdictions absolues, on retrouve :

  • La promotion des actes et de la chirurgie esthétique,
  • La promotion de l'abstention thérapeutique,
  • La promotion de certains produits à base de nicotine,
  • La promotion de contrats financiers à haut risque,
  • La promotion d'abonnements à des conseils ou pronostics sportifs.

S'ajoutent à cela, des interdictions relatives à la promotion de certains produits et services financiers, tels que les actifs numériques ou les offres publiques de jetons, avec des conditions spécifiques à respecter pour les annonceurs.

S'agissant de la promotion des jeux d'argent et de hasard, elle n'est autorisée que sur des plateformes en ligne permettant d'exclure les mineurs de l'audience, et des mentions obligatoires doivent accompagner ces communications commerciales.

Enfin, la Loi interdit les ventes ou offres promotionnelles d'un produit, ou toute rétribution, en échange d'une inscription à une formation via le compte personnel de formation (CPF).

En cas de violation de ces dispositions, les influenceurs s'exposent à des sanctions, incluant des peines de prison, des amendes conséquentes allant jusqu'à 300 000 €, et une possible interdiction d'exercer l'activité d'influence.

La relation annonceurs-influenceurs encadrée par un formalisme contraignant

La promulgation de la Loi modifie profondément le cadre contractuel régissant les relations entre influenceurs, marques, agences et plateformes de médias sociaux, insufflant une nouvelle dimension de transparence dans l'écosystème numérique.

En premier lieu, la Loi impose que tout contrat d'influence commerciale soit rédigé par écrit au-delà d'un certain seuil de rémunération ou d'avantages en nature. Cette formalisation vise à clarifier les attentes et obligations de chaque partie, renforçant ainsi la sécurité juridique des relations commerciales.

En outre, les contrats doivent désormais inclure des informations détaillées sur la nature et la portée des missions confiées, l'identification des parties, les droits et obligations des parties, ainsi que la soumission du contrat au droit français.

La Loi sanctionne l'absence de contrat écrit, ou l'absence d'une ou plusieurs mentions obligatoires visées par la Loi, par la nullité du contrat.

Obligations de transparence

Au cœur de cette réglementation, l'obligation de transparence constitue le pivot autour duquel s'articulent les interactions entre influenceurs et annonceurs.

Les influenceurs sont désormais tenus d'indiquer dans leurs communications commerciales des mentions telles que « publicité » ou « collaboration commerciale », en garantissant qu'elles soient visibles, lisibles et identifiables tout au long de la campagne publicitaire.

De plus, la Loi exige également la signalisation des « images retouchées » ou des créations d' « images virtuelles » par intelligence artificielle, renforçant la transparence et l'authenticité dans la représentation des produits et services.

Cette exigence de divulgation claire s'aligne sur l'objectif de protéger les consommateurs contre des pratiques trompeuses, permettant une prise de décision éclairée sur la base de contenus promotionnels identifiés comme tels.

En cas de violation de cette obligation de transparence, les influenceurs s'exposent à des sanctions, incluant des peines de prison, des amendes conséquentes allant jusqu'à 300 000 € et une possible interdiction d'exercer l'activité d'influence.

Consécration d'une responsabilité solidaire entre annonceurs et influenceurs

La Loi instaure une responsabilité solidaire entre les influenceurs et les annonceurs qui sont désormais conjointement responsables des dommages causés aux tiers par leur contenu promotionnel.

Ainsi, en cas de préjudice causé à des tiers, tel que le non-respect des droits de propriété intellectuelle ou une publicité mensongère conduisant à une utilisation inappropriée du produit promu, tant l'influenceur que l'annonceur pourraient être tenus responsables. En outre, les influenceurs résidant hors de l'Union Européenne (Dubaï) devront désigner un représentant légal dans l'Union européenne (UE) et souscrire une assurance civile dans l'UE dès lors qu'ils visent un public en France.

L'encadrement législatif de la digitalisation commerciale conduit à ce que le comportement éthique et la volonté de transparence des annonceurs et des influenceurs ne soit plus une valeur ajoutée dans leur communication vis-à-vis des consommateurs, mais devienne désormais une obligation légale lourdement sanctionnée.

La Loi souligne l'importance de la transparence, de la protection des consommateurs, et de l'intégrité des pratiques commerciales en ligne. Elle vise ainsi à rétablir la confiance dans l'écosystème digital, tout en ouvrant la voie à une collaboration plus éthique et responsable entre annonceurs et influenceurs.

Toutefois, et malgré l'instauration de la Loi, le bilan des contrôles menés par la DGCCRF pour les années 2022 et 2023, publié le 3 avril 2024, révèle des défis persistants dans le secteur. Parmi les plus de 300 influenceurs contrôlés, près de la moitié étaient en situation d'infraction. Les violations constatées concernaient principalement le défaut de divulgation du caractère commercial de leurs publications et la vente de produits ou de services en violation des règlementations applicables (formations financées de manière illégale, vente de produits contrefaits, etc.)

Suite à l'entrée en vigueur de la Loi, la DGCCRF a intensifié ses contrôles pour veiller à ce que les acteurs respectent scrupuleusement les règles établies. Cette démarche réaffirme l'engagement des autorités régulatrices envers l'application stricte de la Loi dans le domaine de l'influence digitale.

Ainsi, la DGCCRF a indiqué qu'en 2024, une attention particulière serait portée sur les pratiques commerciales trompeuses, la sécurité des produits et la promotion de services financiers à haut risque.

Enfin, la loi DDADUE 4, promulguée le 22 avril 2024, est intervenue pour mettre la Loi en conformité avec le droit européen. En effet, dans le but d'assurer la conformité avec les législations européennes, cette loi habilite le gouvernement à apporter des modifications par ordonnance à la Loi dans le délai de neuf mois.

Ces ajustements visent à aligner la Loi avec des textes européens tels que le règlement sur les services numériques (DSA) ou encore la directive e-commerce.

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