La décision d'un arbitre portant sur des messages WhatsApp inappropriés est annulée

Dans une décision récente, la Cour divisionnaire de l'Ontario a annulé la décision d'un arbitre portant sur la réintégration de cinq employés qui avaient été congédiés par l'employeur...
Canada Employment and HR
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Dans une décision récente,1 la Cour divisionnaire de l'Ontario a annulé la décision d'un arbitre portant sur la réintégration de cinq employés qui avaient été congédiés par l'employeur en raison d'allégations de harcèlement et d'inconduite au travail.2

Les faits

Les plaignants, qui étaient chauffeurs d'autobus, s'envoyaient des messages textes par l'entremise de la plateforme de messagerie « WhatsApp » sur leurs téléphones cellulaires personnels. Ces communications comportaient des commentaires négatifs, désobligeants et sexistes au sujet d'une superviseure intérimaire, « Mme A ». Les commentaires ont été portés à l'attention de l'employeur au cours d'une enquête non liée, et une enquête subséquente sur la conduite des plaignants a été ouverte.

Au cours de l'enquête, l'enquêteur a interrogé Mme A, à qui un autre employé avait montré des captures d'écran des messages offensants. Bien qu'elle ait reconnu avoir alors été bouleversée par les messages, Mme A n'a pas déposé de plainte formelle et ne souhaitait pas participer à l'enquête. L'employeur a quand même poursuivi l'enquête et a finalement conclu que les plaignants s'étaient livrés à du harcèlement sexuel au travail, en violation des politiques de l'employeur. L'employeur a congédié les plaignants pour motif valable.

Le syndicat a déposé des griefs, qui ont été renvoyés à la Commission de règlement des griefs. L'arbitre a rendu une décision concluant que les congédiements étaient sans motif valable et a ordonné la réintégration des plaignants sans perte d'ancienneté, et avec indemnité pour les pertes découlant des congédiements. Pour en arriver à cette décision, l'arbitre a conclu ce qui suit :

  1. les communications avaient eu lieu à l'extérieur du lieu de travail, pendant le temps libre des plaignants, sur leurs téléphones cellulaires personnels et au moyen d'un mode de communication censé être privé;
  2. l'employeur n'avait pas le droit de s'ingérer dans les communications privées des plaignants;
  3. l'employeur ne pouvait pas mener une enquête impartiale parce que Mme A n'avait pas déposé de plainte formelle et il ne pouvait agir à la fois comme plaignant et comme enquêteur;
  4. Mme A ne s'estimait pas victime de harcèlement sexuel, et si elle n'était pas disposée à déposer une plainte, l'employeur ne pouvait se substituer à elle en vertu de la politique.

Qu'a décidé la Cour divisionnaire?

La Cour a conclu que la conclusion de l'arbitre selon laquelle l'employeur ne pouvait pas mener une enquête équitable en raison de l'absence d'une plainte formelle était incompatible avec les obligations de l'employeur en vertu du Code des droits de la personne de l'Ontario et de la Loi sur la santé et la sécurité au travail.

La Cour a souligné que l'obligation d'enquêter sur le harcèlement en milieu de travail s'étend aussi bien aux incidents qu'aux plaintes, et que l'employeur ne peut se fonder sur la réticence d'une victime à déposer une plainte pour se soustraire à ses devoirs ou être libéré de ses obligations légales. Contrairement à la conclusion de l'arbitre, l'employeur n'est pas « devenu le plaignant » lorsqu'il a lancé son enquête, car aucun plaignant n'était nécessaire.

De plus, la conclusion de l'arbitre selon laquelle il n'y a pas eu de harcèlement parce que Mme A n'a pas déposé de plainte est incompatible avec les décisions de la Cour suprême du Canada, selon lesquelles il faut éviter de se fonder sur la réaction d'une victime ou sur sa réticence à déposer une plainte pour trancher de telles questions.

La Cour a également fait remarquer que l'importance accordée par l'arbitre aux attentes des plaignants en matière de respect de la vie privée, étant donné qu'ils avaient communiqué par l'entremise d'un groupe de clavardage de WhatsApp, avec un nombre limité de participants, était inappropriée. L'arbitre n'avait pas tenu compte de la preuve démontrant que les messages avaient été portés à l'attention de l'employée, que d'autres employés dans le milieu de travail avaient eu accès aux messages ou en avaient pris connaissance, et que le groupe de clavardage était un groupe « ouvert », par l'entremise duquel les messages pouvaient être transmis librement à d'autres personnes. L'employeur avait l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour remédier aux problèmes créés dans le milieu de travail par les commentaires humiliants et offensants. La Cour a conclu que l'arbitre avait omis d'appliquer adéquatement les dispositions légales pertinentes et que, par conséquent, la décision était déraisonnable.

Appliquant la norme de la décision raisonnable, la Cour a finalement conclu que la décision de l'arbitre était fondamentalement viciée. Elle a fait droit à la demande de l'employeur, a infirmé la décision de l'arbitre et a renvoyé l'affaire devant un autre arbitre pour qu'elle soit réexaminée conformément aux motifs de la Cour.

Points à retenir

La décision confirme que les employeurs ont l'obligation d'enquêter sur les incidents de harcèlement sexuel potentiel lorsqu'ils en ont connaissance, qu'une plainte formelle soit déposée ou non. Un enquêteur devrait également se méfier de la réticence d'un employé à fournir des renseignements sur une situation potentielle de harcèlement sexuel pour tirer des conclusions, car un certain nombre de raisons peuvent expliquer pourquoi l'employé ne souhaite pas le faire (par exemple, la crainte de représailles, l'embarras, l'humiliation).

De plus, la décision réitère que l'intention de préserver la confidentialité des communications ou des comportements ne dégage pas un employé de ses responsabilités. Lorsque les communications ou les comportements sont inappropriés et ont des répercussions en milieu de travail, ils peuvent faire l'objet de mesures disciplinaires.

Footnotes

1. 2024 ONSC 1900

2. 2023 CanLII 72192 (ON GSB)

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