Parunedécision rendue le 27 juin 2023, la 3èmechambre du Tribunal d'arrondissement de Luxembourg siégeant en matière de bail commercial et en instance d'appel, a considéré qu'un contrat de bail, conclu entre deux sociétés de droit luxembourgeois, et portant sur la mise à disposition par le bailleur au locataire d'une surface de bureau de 10 m2 sans fenêtre, dans laquelle le locataire exerce des tâches administratives sans qu'aucun public ne soit reçu, est à qualifier de bail commercial au sens de l'article 1762-3 du Code civil.

Initialement, il s'agissait ici d'un litige entre parties au contrat portant sur la résiliation du bail et l'occupation sans droit ni titre des locaux par le locataire.

A l'appui de sa décision, le Tribunal a retenu que:

  • Suivant l'extrait RCS du locataire, celui-ci avait pour objet principal l'exercice d'activités commerciales d'import-export de toutes marchandises dans le domaine de l'industrie manufacturière de haute technologie,
  • Tant le bailleur (S.A.) que le locataire (S.à r.l.) étaient des sociétés commerciales par la forme,
  • L'adresse renseignée dans l'autorisation d'établissement du locataire est l'adresse de l'immeuble dans lequel se trouvait le bureau loué.

Cette décision a de quoi largement interrogerdans la mesure où, pour qualifier un bail de commercial, le Tribunal n'accorde ici aucune considération à l'activité concrètement exercée dans les locaux et aux notions d'achalandage, de fonds de commerce voire de clientèle mais semble uniquement s'intéresser à l'objet et à la forme sociales du locataire. Or, pour rappel la loi considère comme commercial «tout bail d'un immeuble destiné à l'exercice d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale.» (Art. 1762-3 du Code civil).

Suivre le raisonnement du Tribunal impliquerait alors que tous les baux professionnels ou de bureaux conclus par des sociétés donc l'objet et/ou la forme est/sont commerciale(s) seraient des baux commerciaux soumis à la loi du 3 février 2018portant sur le bail commercial et modifiant certaines dispositions du Code civil, et encourraient ainsi une requalification.

Cette décision a également de quoi inquiéterpuisqu'elle survient un peu plus de 8 mois seulement aprèsun arrêt rendu le19 octobre 2022par la14ème chambre du Tribunal d'arrondissement de Luxembourg siégeant en matière de bail commercial et en instance d'appel, au sujet d'une affaire relative au concept récent de coliving.

Dans cette affaire, le Tribunal a considéré qu'un contrat de bail conclu entre une personne physique et une société portant sur la location d'une maison d'habitation, jardin et garage compris, en vue d'une sous-location en une ou plusieurs entités est à qualifier de bail commercial au motif que :

  • Le locataire exerce une activité commerciale, à savoir prendre en location des immeubles pour les subdiviser en chambres qu'il sous-loue ensuite à des personnes de passage pour des durées plus ou moins longues,
  • La finalité du bail est l'exercice par le locataire de son activité commerciale consistant à sous-louer à des fins d'habitation, le fait que les occupants de l'immeuble soient des personnes physiques occupant les lieux à des fins d'habitation est sans incidence.

Par cette décision d'octobre 2022, le Tribunal opérait déjà une lecture quelque peu extensive de l'article 1762-3 du Code civil, même si certains éléments du raisonnement du juge pouvaient être entendus.

Avec cet arrêt du 27 juin 2023, le Tribunal franchit un autre palliers'éloignant de plus en plus de l'esprit de la législation sur les baux commerciaux qui est principalement de protéger le fonds de commerce du locataire, et réduisant comme peau de chagrin la définition du bail professionnel / de bureau.

Pour rappel, un bail professionnel / de bureau n'est soumis ni à la loi du 3 février 2018portant sur le bail commercial et modifiant certaines dispositions du Code civilni à la loi modifiée du 21 septembre 2006sur le bail à usage d'habitation et modifiant certaines dispositions du Code civil. Il s'agit d'un contrat de bail de droit commun dont la plupart des dispositions sont librement négociables entre les parties.

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