I. ProcÉdure pÉnale

TF 6B_987/2023

Rejet des conclusions civiles en lien avec une violation des règles de l'art de construire [p. 2]

TF 7B_271/2023

Dérogation à la procédure orale en appel pour absence du prévenu et crise sanitaire rejetée [p. 3]

II. Droit pÉnal Économique

TF 7B_125/2022

Examen du lien de causalité pour ordonner la confiscation et la créance compensatrice, et examen du renvoi des prétentions civiles à la voie civile [p. 4]

III. Droit international privÉ

IV. Droit de la poursuite et de la faillite

TF 5A_356/2023

Rappel de jurisprudence quant à la signature imprimée sur le commandement de payer par l'Office des poursuites [p. 6]

TF 5A_937/2023

Réalisation d'un gage immobilier, expulsion des occupants d'un immeuble [p. 7]

TF 5A_328/2023

Arbitraire en lien avec la motivation et l'existence d'un séquestre, principe de la transparence [p. 8]

TF 5A_214/2021

Droit à la réplique et règles applicables à la procédure d'opposition à séquestre [p. 9]

V. entraide internationale

TF 1C_65/2024

Délai pour la production d'un Certificate of Incumbancy d'un pays d'Amérique latine refusé [p. 10]

Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).

Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique
principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide
internationale.

I. PROCÉDURE PÉNALE

TF 6B_987/2023 du 21 février 2024 | Rejet des conclusions civiles en lien avec l'infraction de violation des règles de l'art de construire (art. 229 CP)

  • Recourante ») et B., titulaires de la société en nom collectif E., ont réalisé un escalier en verre dans la maison des époux C. (« Intimés ») non conforme aux règles de l'art. Par jugement du 23 février 2022, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de La Côte a considéré que l'infraction de violation des règles de l'art de construire (art. 229 CP) était réalisée, mais prescrite, de sorte qu'A. et B. ont été libérés de ce chef d'accusation. Toutefois, ils ont été condamnés à payer aux époux C. un montant de CHF 214'157. 55, avec intérêts.
  • La Recourante a contesté la condamnation au paiement des conclusions civiles déduites de l'art. 229 CP en soutenant que cette même infraction ne permettait pas d'allouer un quelconque dommage patrimonial sur la base de l'art. 41 CO aux Intimés (consid. 1.1).
  • Le Tribunal fédéral a rappelé la portée de l'art. 122 al. 1 CPP en soulignant que sont des prétentions déduites de l'infraction celles qui trouvent un ancrage dans les faits de l'infraction pénale poursuivie. Lorsque l'autorité pénale abandonne un pan de l'accusation (par exemple, parce que certains faits sont prescrits), le lésé ne peut pas prétendre à l'octroi de conclusions fondées sur les faits laissés de côté (consid. 1.1.1).
  • In casu, la Recourante a été libérée de la prévention de violation de l'art. 229 CP en raison de la prescription de l'action pénale. Dès lors, le Tribunal fédéral a considéré que les Intimés ne pouvaient pas prétendre à l'octroi de conclusions civiles fondées sur des faits ainsi laissés de côté par l'autorité pénale (consid. 1.3).
  • De plus, notre Haute Cour a rappelé que non toutes les infractions donnent lieu au paiement de dommages et intérêts. Seul un acte illicite qui porte atteinte à un droit absolu du lésé ou à son patrimoine est susceptible de donner lieu à une telle obligation, ce qui n'est pas le cas de l'art. 229 CP (consid. 1.4).
  • Partant, le recours a été admis (consid. 3).

TF 7B_271/2023 du 1er février 2024| Dérogation à la procédure orale en appel pour absence du prévenu et crise sanitaire rejetée (art. 426 CPP)

  • Par jugement du 9 décembre 2019, le Tribunal correctionnel de la République et canton de Genève (« Tribunal correctionnel») a condamné B. pour blanchiment d'argent aggravé (art. 305bis 2 let. c et ch. 3 CP) et faux dans les titres (art. 251 CP) et l'a astreinte à payer à A. Ltd (« Recourante ») la somme de EUR 34'995'320.-à titre de réparation du dommage matériel.
  • En appel, le Président de juridiction a relevé, sur production d'un certificat médical de B., que, du fait de son état de santé, de son éloignement géographique (Belgique) et de la situation sanitaire liée à la pandémie de COVID-19, il pourrait être difficile de prévoir une audience à moyen ou long terme, si bien que la procédure écrite pourrait être envisagée. Ainsi, au vu des circonstances particulières, il a indiqué qu'une dérogation à la jurisprudence ( ATF 147 IV 127) serait envisageable, pour autant que toutes les parties y consentent, ce qu'elles ont effectivement fait. Par arrêt du 28 novembre 2022, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise (« Cour de justice») a acquitté B. des chefs d'accusation de blanchiment d'argent aggravé et de faux dans les titres pour une partie des faits.
  • Devant le Tribunal fédéral, la Recourante a contesté le fait que l'appel ait fait l'objet d'une procédure écrite, alors que les conditions de l'art. 406 CPP n'étaient pas réunies (consid. 3).
  • Pour rappel, la procédure d'appel est en principe orale, mais aux conditions restrictives de l'art. 406 CPP, elle peut se dérouler par écrit. Avec l'accord des parties, la direction de la procédure peut établir une procédure écrite lorsque la présence du prévenu aux débats d'appel n'est pas indispensable (art. 406 al. 2 let. a CPP) et que l'appel est dirigé contre un jugement émis par un juge unique (let. b). Ces deux conditions sont cumulatives (consid. 3.1.1 à 3.1.4).
  • In casu, le Tribunal fédéral a relevé que le jugement attaqué en appel n'avait pas été rendu par un juge unique, mais par une autorité collégiale, le Tribunal correctionnel, qui siège dans une composition à 3 juges (art. 97 LOJ/GE), si bien que la première condition de l'art. 406 CPP faisait défaut (consid. 3.3.1).
  • De plus, notre Haute Cour a souligné que la Cour de justice avait prononcé l'acquittement de B. du chef d'accusation de blanchiment d'argent aggravé, tandis que le Tribunal correctionnel l'avait reconnue coupable de cette même infraction. Cette divergence entre les jugements était basée sur les différentes déclarations en cours de procédure de B. De ce fait, la présence de B. aux débats d'appel était essentielle afin de pouvoir clarifier la situation, si bien que la deuxième condition de l'art. 406 CPP faisait également défaut (consid. 3.3.2).
  • Partant, le recours a été admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à la Cour de justice pour mise en Suvre d'une procédure d'appel orale (consid. 4.1).

II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE

TF 7B_135/2022 du 9 janvier 2024 | Examen du lien de causalité pour ordonner la confiscation (art. 70 CPP) et la créance compensatrice (art. 71 CPP) et examen du renvoi de prétentions civiles à la voie civile (art. 126 CPP)

  • (« Recourant ») a fondé la société G. AG en 2000 avec d'autres personnes, avant de devenir seul membre du conseil d'administration et actionnaire majoritaire. G. AG opérait dans le domaine de la private equity, agissant en tant qu'intermédiaire pour des placements financiers. Entre 2008 et 2016, le Recourant a dirigé l'entreprise conjointement avec H. Il leur a été reproché des activités de tromperie, notamment sur la nature de l'entreprise, les relations avec d'autres entités, les commissions perçues, la véritable propriété des actions proposées à la vente et sur l'actionnariat.
  • En 2019, par jugement du Bezirksgericht zurichois, le Recourant et H. ont été condamnés pour activité sans autorisation au sens de l'art. 44 al. 1 LFINMA, et d'infractions multiples à la LCD. Une peine privative de liberté avec sursis de 24 mois, assortie d'une interdiction d'exercer une activité indépendante dans la vente ou le courtage d'actions de sociétés pour une durée de 2 ans a également été prononcée. Diverses confiscations et des créances compensatrices de respectivement CHF 2.7 millions pour le Recourant et CHF 1.7 millions pour H. ont également été ordonnées.
  • Le Recourant, H. et certaines parties plaignantes ont interjeté appel auprès de l'Obergericht de Zurich. Le jugement y a été partiellement confirmé, avec une réduction de la peine du prévenu. Les confiscations ont été maintenues et des dommages-intérêts ont été confirmés pour certaines parties plaignantes.
  • Le Recourant a déposé un recours en matière pénale au Tribunal fédéral en concluant à l'annulation partielle de l'arrêt d'appel. Il a notamment requis la remise des valeurs patrimoniales, ainsi que la renonciation à une créance compensatrice, subsidiairement à ce qu'elle se limite aux valeurs patrimoniales saisies et effectivement disponibles.
  • En premier lieu, le Recourant a contesté la confiscation de ses différents avoirs. Il a reproché à l'instance inférieure de ne pas avoir établi de lien de causalité entre les infractions et les valeurs patrimoniales obtenues en soutenant que, même sans les actes répréhensibles, il aurait obtenu les valeurs litigieuses (consid. 3.1).
  • Le Tribunal fédéral a rappelé que la confiscation requiert un lien de causalité entre l'infraction et l'avantage patrimonial, qui peut être direct ou indirect, confirmant que les valeurs provenant d'actes juridiques effectués de manière légale sans lien direct avec l'infraction ne sont pas confiscables. Un tel lien fait défaut lorsque l'auteur aurait obtenu l'avantage même s'il avait eu un comportement alternatif licite. L'élément déterminant est le déroulement hypothétique du lien de causalité sans l'infraction. L'avantage pécuniaire doit être imputable à l'infraction (consid. 3.2.1).
  • Sa jurisprudence manquant de clarté à ce propos, le Tribunal fédéral a clarifié qu'un lien direct et immédiat n'est pas nécessaire. Au contraire, il doit en principe suffire que les avantages économiques illicites découlent directement ou même indirectement de l'infraction et puissent être comptabilisés comme une augmentation des actifs, une diminution des passifs, une non-diminution des actifs ou une non-augmentation des passifs. Cela doit en tout cas être le cas lorsque l'acte punissable conduit à la conclusion d'un acte juridique objectivement légal, dont l'exécution entraîne d'abord une augmentation du patrimoine de l'auteur (consid. 3.2.2).
  • In casu, les infractions n'avaient pas généré d'avantages directs, mais les contrats conclus avec les investisseurs et les commissions versées étaient indirectement liés. Néanmoins, le Tribunal fédéral a estimé que l'instance précédente n'avait pas suffisamment examiné la causalité, en ce qu'elle n'avait pas tenu compte de la question de savoir si et dans quelle mesure l'afflux de fonds en faveur du Recourant aurait eu lieu même sans les actes punissables. La cour cantonale n'avait pas démontré que les personnes lésées s'étaient effectivement laissé influencer et que les tromperies avaient constitué la cause nécessaire de la conclusion des contrats de participation et des dispositions patrimoniales prises sur la base de ceux-ci. Notre Haute Cour a ainsi annulé l'arrêt sur ce point et renvoyé l'affaire afin que l'instance inférieure détermine, sur la base d'un déroulement hypothétique de la causalité, si les contrats de participation auraient été conclus même sans les infractions à la LCD et quel aurait été le montant des avantages pécuniaires du Recourant dans ce cas (consid. 3.4.2).
  • Le Tribunal fédéral a également souligné que le fardeau de la preuve incombant à l'État ne doit pas être soumis à des exigences trop rigoureuses et que le degré de preuve de la vraisemblance prépondérante est approprié pour établir ce lien de causalité (consid. 3.4.2.2 et 3.4.2.3).
  • En second lieu, le Recourant a contesté la créance compensatrice. Notre Haute Cour a d'abord expliqué que la créance compensatrice est subsidiaire à la confiscation en nature et ne doit entraîner ni avantages, ni inconvénients par rapport à celle-ci. La créance compensatrice répond aux mêmes conditions que la confiscation, soit notamment à l'existence d'un lien de causalité entre le comportement punissable et les avantages patrimoniaux obtenus. Ce faisant, le Tribunal fédéral a également renvoyé l'affaire pour nouvelle analyse du lien de causalité à l'instance inférieure (consid. 4.1).
  • Le Recourant a également fait valoir que la créance compensatrice de CHF 2.4 millions à laquelle il avait été condamné entravait sa réinsertion, avançant ne pas être en mesure de rembourser une telle créance, étant donné ses dettes importantes, l'absence de qualifications, et les restrictions professionnelles dues à son casier judiciaire. À ce propos, les juges de Mon Repos ont rappelé qu'il peut être renoncé à tout ou partie d'une créance compensatrice s'il existe certains motifs qui permettent de reconnaître de manière fiable que la menace sérieuse pour la resocialisation ne peut pas être éliminée par des facilités de paiement et que la réduction de la créance compensatrice est indispensable pour une réinsertion réussie de l'auteur. Tel peut notamment être le cas lorsque l'intéressé est sans fortune, voire surendetté, et que ses revenus et le reste de sa situation personnelle ne permettent pas d'espérer que des mesures d'exécution forcée puissent aboutir dans un avenir prévisible (consid. 4.2).
  • In casu, le Tribunal fédéral a estimé que l'instance précédente n'avait pas correctement pris en compte la situation financière du Recourant pour fixer la créance compensatrice. Il a constaté que l'appréciation de ses possibilités financières ne tenait pas compte de certains aspects décisifs, notamment de sa situation d'endettement. Par conséquent, le Tribunal fédéral a renvoyé l'affaire à l'instance précédente pour qu'elle rende une nouvelle décision sur la créance compensatrice, en prenant en compte tous les aspects pertinents, y compris la possibilité de réinsertion du Recourant (consid. 4.2.3).
  • En dernier lieu, les parties plaignantes recourantes ont critiqué le renvoi de leurs prétentions civiles à la voie civile, arguant qu'elles avaient suffisamment motivé et chiffré leurs prétentions, contrairement à ce qu'avait conclu l'instance précédente en violation de l'art. 126 CPP (consid. 7).
  • In casu, notre Haute Cour a considéré que l'instance inférieure avait interprété de manière erronée l'art. 126 CPP en renvoyant les prétentions civiles à la voie civile au motif que les dommages et le lien de causalité n'étaient pas suffisamment établis. Elle aurait dû d'abord examiner si les parties plaignantes avaient correctement motivé et chiffré leurs prétentions, ce qu'elle n'avait pas fait. Par conséquent, l'arrêt attaqué ne répond pas aux exigences légales et doit être réexaminé et est renvoyé pour établissement des faits et nouvelle décision (consid. 7.3).
  • Partant, le recours a été partiellement admis quant aux prétentions du Recourant, et admis en ce qui concernent les griefs des parties plaignantes.

III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE

TF 5A_356/2023 du 13 février 2024 | Rappel de jurisprudence quant à la signature imprimée du commandement de payer par l'Office des poursuites (art. 6 OForm)

  • (« Recourant ») s'est vu notifier un commandement de payer d'un montant de CHF 220.- le 18 janvier 2023 par l'office des poursuites de Gossau dans le cadre d'une poursuite du canton de Saint-Gall. Il a déposé un premier recours contre le commandement de payer auprès du Kreisgericht Wil en tant qu'autorité de surveillance inférieure, puis un second auprès du tribunal cantonal en tant qu'autorité de surveillance supérieure ; tous deux ont été consécutivement rejetés. Le Recourant a saisi le Tribunal fédéral en concluant à l'annulation de la décision du tribunal cantonal, le commandement de payer devant être déclaré nul et non avenu et la poursuite annulée.
  • Le Recourant s'est principalement plaint du fait que le commandement de payer litigieux comportait la signature numérique de la directrice de l'office des poursuites, imprimées directement sur le commandement de payer, en lieu et place d'une signature manuscrite. Il a ainsi remis en cause la validité de cette pratique, notamment au regard de l'art. 6 de l'Ordonnance sur les formulaires et registres à employer en matière de poursuite pour dettes et faillites (OForm) (consid. 3.1).
  • Il a notamment argué que l'utilisation de signatures imprimées simplement apposées sur de tels documents devrait être strictement interdite, car abusive (consid. 3.2).
  • In casu, le Tribunal fédéral s'est rallié à la position de l'instance inférieure : le fait de savoir, pour le débiteur, par qui et comment le commandement de payer est signé ne joue pas de rôle essentiel, la présence de cette signature ne servant qu'à souligner la validité formelle de l'acte. L'intérêt du débiteur est avant tout d'avoir connaissance du créancier poursuivant, de la créance ainsi que de son motif. Notre Haute Cour a précisé qu'elle a par ailleurs récemment décidé que l'autorisation de fac-similés en guise de signature sur les formulaires prévue à l'art. 6 OForm se rapportait également aux signatures numérisées, celle-ci pouvant être apposée tant par un tampon physique que directement par impression (consid. 3.3.1).
  • Le Recourant a également avancé que l'usage généralisé de signature en fac-similés en série constituerait un usage abusif. Le Tribunal fédéral a exposé que la numérisation des affaires en masse en matière de poursuites est aujourd'hui expressément souhaitée (art. 33a LP et art. 14 OCEl-PCPP). Les juges de Mon repos ont enfin précisé que, dans le cas d'espèce, la signature de la directrice de l'office n'avait été imprimée qu'au moment de l'établissement du commandement de payé, et qu'il n'était pas contesté que celui-ci ait été validé par un collaborateur habilité de l'office (consid. 3.3.2).
  • Partant, le recours a été rejeté.

TF 5A_937/2023 du 6 février 2024 | Réalisation d'un gage immobilier et expulsion des occupants d'un immeuble (229 al. 2 LP et 19 ORFI)

  • Le 4 novembre 2019, la banque G. a déposé une réquisition de poursuite en réalisation d'un gage immobilier contre A. (« Recourant »), pour une créance incorporée dans des cédules hypothécaires. Le bien immobilier était un domaine agricole situé dans le Jura estimé à CHF 1'465'000.-. La vente aux enchères publiques de ce domaine a été annoncée pour le 25 avril 2023, mais a été reportée en raison des très mauvaises conditions dans lesquelles ont eu lieu les visites des locaux par des personnes intéressés à leur acquisition. L'office des poursuites a ensuite ordonné l'expulsion des occupants du domaine. Ces derniers ont contesté cette décision en demandant à pouvoir rester sur place jusqu'à la fin de la procédure de vente forcée, éventuellement avec un délai de trois mois dès la tenue de la vente pour évacuer ledit domaine.
  • Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a examiné les dispositions légales régissant la gérance et l'exploitation des immeubles saisis, notant que dès la requête de réalisation du gage par le créancier gagiste, l'office est chargé de la gérance de l'immeuble conformément à l'art. 102 al. 3 LP et aux art. 16 ss ORFI. Cette gérance englobe diverses mesures telles que la résiliation des baux, l'expulsion des locataires et la perception des loyers, avec pour objectif de maintenir l'immeuble en bon état de rendement. Concernant l'art. 19 ORFI, applicable à la réalisation de gage immobilier, le Tribunal a souligné qu'il permet au débiteur et propriétaire du gage ainsi qu'à sa famille d'occuper gratuitement l'immeuble jusqu'à sa réalisation, mais cette disposition prend fin avec le transfert de propriété. Ainsi, jusqu'à l'inscription du nouveau propriétaire au registre foncier, l'office est compétent pour requérir l'expulsion du débiteur ou des membres de sa famille qui refuseraient de quitter les lieux après l'adjudication (consid. 5.1).
  • In casu, le Tribunal fédéral a considéré que l'interprétation large de l'art. 19 ORFI adoptée par l'instance inférieure ne prêtait pas le flanc à la critique. Par ailleurs, concernant l'art. 229 al. 3 LP, il a encore rappelé que la situation juridique s'agissant de l'utilisation à titre gracieux de l'immeuble en cause est différente selon que l'on se trouve dans une procédure de faillite ou de saisie, respectivement de réalisation de gage, notamment lorsque l'on admet, comme l'a fait la cour cantonale, que les occupants actuels de l'immeuble peuvent se prévaloir de l'art. 19 ORFI jusqu'aux enchères (consid. 5.2).
  • Notre Haute Cour n'a par ailleurs pas critiqué l'interprétation de l'art. 19 ORFI selon laquelle cette disposition s'applique non seulement au domicile familial tel que défini par l'article 169 CC, mais également aux locaux commerciaux utilisés pour l'exercice de la profession ou du métier du conjoint du débiteur. Il a de plus été admis que cette norme bénéficie également à l'épouse séparée du débiteur et aux enfants du couple, en raison des nombreuses protections offertes par le droit civil et les dispositions en matière d'exécution forcée concernant le logement familial et les actes juridiques entre époux (consid. 5.1).
  • Dès lors, le Tribunal fédéral a estimé que le Recourant n'avait pas contesté de manière valable l'application de l'art. 19 ORFI par les juges cantonaux (consid. 5.2).
  • Partant, le recours a été rejeté.

TF 5A_328/2023 du 15 février 2024 | Arbitraire en lien avec la motivation et l'existence d'un séquestre (art. 271 al. 1 ch. 2 LP) – principe de la transparence

  • En 2010, C.C. et D.C. (« Intimés ») ont mandaté la société E. SA (devenue F. SA), dont A.A. (« Recourant») était l'administrateur unique, pour la construction de leur villa. Un litige au sujet de l'exécution de ce mandat a fait l'objet de différentes procédures depuis 2014. La faillite de F. SA a été prononcée le 14 décembre 2015 et les Intimés ont été admis à l'état de collocation pour une somme totale de CHF 465'036.-. Les Intimés ont obtenu la cession des droits de la masse à raison de l'action en responsabilité et de l'action révocatoire, toutes deux portées à l'inventaire.
  • Le 8 juin 2016, les Intimés ont déposé une plainte pénale contre le Recourant et F. SA en liquidation pour banqueroute frauduleuse et diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers.
  • Le 29 mars 2022, les Intimés ont obtenu un séquestre contre le Recourant et son épouse (art. 271 al. 1 ch. 2 LP). A titre de créance, ils ont invoqué tant celle ressortant de l'état de collocation que celles qui leur avaient été cédées par l'administration de la faillite. Le Recourant et son épouse se sont opposés au séquestre en vain.
  • L'autorité cantonale de dernière instance a considéré que les créances des Intimés étaient vraisemblables dans la mesure où elles avaient été admises à l'état de collocation de la faillite de la société dont le Recourant était administrateur. De surcroît, la mise en prévention du Recourant pour diminution frauduleuse de l'actif de la société dont les Intimés étaient créanciers rendait également vraisemblable sa responsabilité et donc la prétention des Intimés contre lui personnellement. Elle a par ailleurs retenu que, par le passé, le Recourant avait déjà tenté de dissimuler ses actifs afin de ne pas désintéresser ses créanciers, notamment auprès de son épouse. En agissant de la sorte, les éléments objectifs et subjectifs du cas de séquestre étaient du moins rendus vraisemblables et justifiaient le séquestre ordonné (consid. 3).
  • S'agissant du séquestre dirigé contre l'épouse du Recourant, le Tribunal fédéral a considéré que les Intimés ne disposaient d'aucune créance à son encontre. En réalité, l'autorité précédente avait manifestement confondu le cas de séquestre réalisé à l'endroit d'un débiteur et celui de la «personne de paille » à laquelle celui-ci transfère des biens de manière simulée. Déjà sur ce point, l'opposition au séquestre formée par l'épouse du Recourante devait être admise (consid. 4)
  • S'agissant du séquestre dirigé contre le Recourant, notre Haute Cour a retenu que la motivation de la décision attaquée était confuse. En particulier, l'autorité cantonale avait développé une motivation contradictoire en ce sens qu'elle avait établi que les Intimés et le Recourant n'étaient liés par aucun contrat et que le Recourant était uniquement recherché en qualité d'administrateur unique de F. SA, mais, d'autre part, avait examiné la vraisemblance de la créance des Intimés contre F. SA en vertu de la garantie des défauts à titre de condition du séquestre contre le Recourant, qui n'était pourtant, au stade de la vraisemblance, pas le débiteur de cette créance. Elle avait en outre implicitement évoqué le fondement de la responsabilité d'un organe, de sorte qu'il n'était pas possible de savoir si elle avait considéré que les Intimés avaient agi en qualité de cessionnaires pour faire valoir un dommage et, le cas échéant, de quel type de dommage. Ainsi, de l'arrêt attaqué, on ne pouvait pas comprendre à quel titre les Intimés avaient agi, en vertu de quel fondement juridique et en réparation de quel dommage. Par conséquent, le grief de l'arbitraire a été admis (consid. 6.3).
  • De la même manière, le Tribunal fédéral a admis que le cas de séquestre en lien avec l'art. 271 al. 1 ch. 2 LP n'était pas réalisé. En effet, notre Haute Cour a considéré que l'autorité cantonale avait manifestement ignoré les personnalités distinctes du Recourant et de F.SA, en s'épargnant tout examen du principe de la transparence. En particulier, elle avait examiné la soustraction des biens appartenant à la société anonyme, et non la soustraction des biens appartenant au Recourant, alors que le séquestre était dirigé contre celui-ci (consid. 7.2).
  • Partant, le recours a été admis (consid. 8).

TF 5A_214/2021 du 12 février 2024 | Droit à la réplique et règles applicables à la procédure d'opposition à séquestre (art. 29 al. 2 Cst. cum art. 278 al. 2 LP)

  • Recourant») a saisi le tribunal de district de Meilen (« le Tribunal d'arrondissement ») le 16 septembre 2020 et a obtenu, dans un premier temps, le séquestre de plusieurs biens et d'un immeuble appartenant à B. pour une créance avec intérêts et frais. Le 9 novembre 2020, B. a formé opposition au séquestre. Par la suite, le Tribunal d'arrondissement lui a fixé un délai (en lui notifiant la requête de séquestre) pour motiver son opposition. L'opposition à séquestre motivée, reçue le 11 janvier 2021, a été envoyée au Recourant le 15 janvier 202 et réceptionnée le 18 janvier 2021. Par jugement du 29 janvier 2021, l'opposition à séquestre formée par B. a été admise.
  • Le Recourant a contesté cette décision auprès de l'Obergericht zurichois qui l'a débouté.
  • Premièrement, le Recourant a reproché à la dernière instance cantonale d'avoir violé son droit d'être entendu en confirmant la pratique du Tribunal d'arrondissement qui consiste à ne pas octroyer de deuxième échange d'écritures avec fixation d'un délai dans le cadre de la procédure d'opposition à séquestre, en considérant que la situation est comparable au prononcé de mesures superprovisionnelles au sens de l'art. 265 al. 2 CPC (consid. 2.2).
  • Le Tribunal fédéral a rappelé qu'indépendamment d'un échange d'écritures officiel, les parties ont le droit, selon l'art. 29 al. 2 Cst., de prendre position sur toute requête de la partie adverse ou de l'instance précédente. Le tribunal doit de la sorte pouvoir garantir un droit à la réplique en transmettant le dossier litigieux à la partie intéressée, mais n'est pas tenue de fixer un délai pour exercer ce droit (2.4.1).
  • In casu, le Tribunal d'arrondissement a notifié l'opposition à séquestre motivée du 18 janvier 2021 au Recourant et ce n'est que le 29 janvier 2021 qu'il s'est prononcé. De la sorte, il a laissé un délai usuel de dix jours à compter de la notification pour que le Recourant puisse se prononcer, respectant ainsi son droit à la réplique. Par ailleurs, notre Haute Cour a précisé que le volume de la requête envoyée ne devait avoir d'influence sur le délai (consid 2.4.2).
  • Deuxièmement, le Recourant s'est plaint d'une application arbitraire de l'art. 278 al. 2 LP. Selon son point de vue, les termes « possibilité de prendre position» consacrent un droit à la fixation d'un délai pour la réplique.
  • Notre Haute Cour a rappelé que l'organisation de la procédure d'opposition à séquestre n'est pas réglée par l'art. 278 LP, mais par le CPC. De ce fait, l'absence de fixation d'un délai pour un deuxième échange ne viole pas le droit fédéral (consid. 2.5.3).
  • Partant, le recours a été rejeté (consid. 2.7).

V. ENTRAIDE INTERNATIONALE

TF 1C_65/2024 du 15 février 2024 | Délai pour la production d'un Certificate of Incumbancy d'un pays d'Amérique latine refusé (art. 84 LTF)

  • Par acte du 14 décembre 2023, A. SA (dont le siège est au Belize) (« Recourante »), a recouru auprès de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral contre une ordonnance de clôture rendue le 13 novembre 2023 par le Ministère public du canton de Genève dans le cadre d'une procédure d'entraide judiciaire avec l'Espagne. Invitée par lettre du 18 décembre 2023 à produire des documents attestant de l'identité et des pouvoirs du signataire de la procuration en faveur de son avocat, la Recourante a notamment produit le 22 décembre 2023 un « Certificate of Incumbancy» datant du 28 août 2020. Le 29 décembre 2023, la Cour des plaintes lui a imparti un ultime délai au 11 janvier 2024 pour produire un document récent. Par lettre du 11 janvier 2024, la Recourante a demandé un délai supplémentaire au 31 janvier; elle a produit le 16 janvier 2024 un certificat daté du 8 janvier 2024. La Cour des plaintes a déclaré le recours irrecevable, considérant que le certificat requis avait été produit tardivement. La Recourante a formé recours devant le Tribunal fédéral en concluant à la recevabilité de son recours et en renvoi de la cause à l'instance précédente.
  • Dans le cadre de l'art. 84 LTF, notamment sur la notion de « cas particulièrement important», le Tribunal fédéral a rappelé qu'une violation du droit d'être entendu dans la procédure d'entraide peut fonder un cas particulièrement important si la violation alléguée est suffisamment vraisemblable et l'irrégularité d'une certaine gravité (consid.1).
  • La Recourante s'est notamment plainte d'une violation du principe de la bonne foi et de formalisme excessif, en ce que le délai ultime fixé dans la lettre du 29 décembre 2023 (reçue le 3 janvier 2024), soit un vendredi précédant un week-end de vacances, rendait impossible la production du certificat à obtenir dans un pays d'Amérique latine (consid. 1.2).
  • Notre Haute Cour a estimé que le délai accordé pour fournir les documents demandés était conforme à la pratique en matière d'entraide judiciaire, caractérisée par des délais raccourcis et l'absence de féries. Aucune disposition légale n'impose la fixation d'un délai supplémentaire à celui imparti en vertu de l'art. 52 al. 2 PA pour produire des documents manquants, surtout lorsque la partie recourante est représentée par un mandataire professionnel, celui-ci étant censé connaître d'emblée les documents requis pour étayer un recours déposé par une société étrangère contre une ordonnance de clôture (consid. 1.2.2).
  • La condition du « cas particulièrement important» (art. 84 al. 2 LTF) n'était donc pas remplie (consid. 2).
  • Partant, le recours a été déclaré irrecevable.

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